Nutrition, Neurotranmetteurs et Comportements Alimentaires

NUTRITION, NEUROTRANSMETTEURS ET COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

Dr Olivier Coudron

Les comportements humains et plus particulièrement les conduites alimentaires sont la résultante de nombreux facteurs psychoaffectifs, sociaux et culturels mais sont également fortement infiuencés par des déterminants physiologiques et biologiques. Au sein des structures cérébrales identifiées, plus particulièrement dans les zones limbiques et hypothalamiques, interviennent un ensembles de neuromédiateurs participant à la régulation des mécanismes de la faim et de la satiété:

  • L’adrénaline réduit la prise alimentaire par action sur le centre de la faim;
  • La dopamine înhibe le centre de la faim et motive la prise alimentaire
  • La noradrénaline : Réduit la prise alimentaire en inhibant le centre de la faim, mais la stimule en inhlbant le centre de la satiété.
  • La sérotonine réduit la prise alimentaire par action sur le centre de la satiété. Cette dernière occupe une place privilégiée dans la régulation des conduites alimentaires mais également des choix et préférences alimentaires.

Non seulement ces neuromédiateurs sont susceptibles d’influer sur les « choix » nutritionnels mais inversement la nutrition va moduler leur biosynthèse. En effet, ces principaux neuromédiateurs ont une origine nutritionnelle et certains constituants alimentaires peuvent agir sur la physiologie cérébrale, particulièrement chez les personnes souffrant de troubles liés à une biodisponibilité insuffisante en précurseurs de certains neuromédiateurs.

Deux de ces constituants alimentaires sont des acides aminés. Ce sont le tryptophane (Trp) et la tyrosine (Tyr) précurseurs de neuromédiateurs. Une augmentation de la concentration en ces précurseurs s’accompagne d’une synthèse accrue du neuromédiateur correspondant.

La sérotonine (5-HT) est synthétisée à partir d’un acide aminé indispensable ; le tryptophane dont l’apport est exclusivement alimentaire. C’est un acide aminé rare et fragile en grande partie détruit par la cuisson prolongée des aliments.

L’apport d’une ration protéique quotidienne suffisante, riche en Tryptophane est donc la première condition pour un bon fonctionnement des neurones sérotoninergiques cérébraux.

Toutefois, les régimes alimentaires riches en protéines courantes ont pour effet de réduire la concentration cérébrale de tryptophane et par voie de conséquence celle de sérotonine (5-HT). Ce paradoxe s’explique aisément car la concentration de tryptophane disponible au niveau cérébral dépend des apports en Tryptophane mais aussi du rapport entre la concentration plasmatique du tryptophane et celle des acides aminés neutres. En effet, c’est le même transporteur qui fait traverser la barrière hémato-encéphalique à ces 6 acides aminés. Ces acides aminés sont donc en concurrence les uns avec les autres. Par conséquent, le transport cérébral du tryptophane dépend moins de la concentration absolue du tryptophane, que du ratio plasmatique tryptophane / acides aminés neutres. En phase post-prandiale, les concentrations plasmatiques de tryptophane et des acides aminés neutres peuvent varier de façon importante. Ces variations sont en partie liées à la quantité et à la composition des constituants alimentaires ingérés. Notamment avec une alimentation protéique courante, apportant beaucoup plus d’acides aminés neutres que de tryptophane, le ratio tryptophane/

acides aminés neutres diminue, ce qui fait qu’une quantité inférieure de tryptophane par rapport aux acides aminés neutres passe dans le cerveau.

Inversement, un repas riche en glucides augmente le ratio tryptophane / acides aminés neutres. En effet, l’insuline sécrétée en réponse à l’afïlux des glucides diminue davantage la concentration plasmatique des acides aminés neutres que celle du tryptophane en dérivant le métabolisme des acides aminés neutres et surtout des acides aminés branchés (valine, leucine, isoleucine) vers le muscle. Ainsi après l’ingestion de glucides, le tryptophane atteint les neurones en plus grande quantité et sous l’action de la tryptophane hydroxylase, il est transformé en 5-hydroxytryptophane (5-http). La tryptophane hydroxylase n’est pas saturée dans les conditions physiologiques, aussi est-elle inductible et sa régulation dépend de la quantité de tryptophane biodisponible d’où l’influence de la nutrition sur l’activité sérotoninergique. Le contrôle mutuel de la libération de 5-HT et la composition du régime alimentaire participent sans doute au maintien de l’équilibre alimentaire. C’est probablement gràce à ce mécanisme que l’homme ne privilégie pas les sucreries par rapport aux protéines.

En cas de dysfonctionnement de l’axe sérotoninergique, de nombreux troubles peuvent apparaître :

  • Compulsions vers le sucré, le chocolat, l’alcool, boulimie
    • Troubles de l’humeur, îrritabilité et comportements agressif
    • Intolérance au stress, à la frustration

Il est probable que des dysfonctions sérotoninergiques modérées ou majeures soient fréquemment impliquées lors des troubles des conduites alimentaires. En effet, des liens forts ont été établis entre ce ratio et des dysfonctions liées au surpoids.

Le ratio tryptophane /acides aminés neutres diminue lorsque la masse corporelle des individus augmente, il est plus faible chez les personnes obèses, ce qui traduit une baisse de biodisponibilité du tryptophane au niveau cérébral et les concentrations en 5-HIA sont plus faibles chez les patients boulimiques que chez les individus sains. Ceci suggère l’implication des dysrégulations du système 5-HT dans certaines formes d’obésité et dans certains troubles associés.

Inversement, certains traitements tels la D-Fenfiuramide qui augmentent la libération de 5- HT dans le cerveau ou la Sibutramine agissant conjointement sur la 5-HT et la noradrénaline amènent certains obèses à diminuer la consommation de glucides et à maintenir au niveau la prise de protéines. Les obèses ayant un déficit sérotoninergique tendent naturellement à absorber des glucides lorsqu’on leur laisse la possibilité de choisir leur nourriture parmi toute une gamme d’aliments. Cette appétence pour les sucres pourrait ètre une réponse physiologique de l’organisme visant à augmenter l’activité 5-HT cérébrale afin de pallier le déficit sérotoninergique. La synthèse de 5-HT incite l’homme à réduire sa consorrimation de glucides, mais pas celle de protéines.

Certains obèses souffrent sans doute d’une perturbation de ce rerriarquable mécanisme de rétroaction qui fait interagir l’alimentation, le métabolisme, le fonctionnement cérébral et le comportement. En effet, en cas d’insuffisance de production d’insuline, mais surtout en cas de résistance périphérique à l’insuline (diabètes de type 2, obésités), le mécanisme de satiété décrit précédemment ne fonctionne pas correctement. De plus, si la prise en charge de surpoids de ce type d’obèses ou de diabétiques passe par un repas exclusivement composé de protéines (repas hyperprotéinés, hypoglucidiques ou diètes protéinées ), le ratio tryptophane

/acides aminés neutres diminuera, conduisant à une baisse du passage du tryptophane vers le cerveau et un ralentissement de l’activité sérotoninergique.

Plusieurs travaux ont montré qu’un régime hypocalorique (1000-1200 kcal/jour) induisait une diminution du ratio tryptophane / acides aminés neutres plasmatique. En période de régime hypocalorique, la synthèse de la 5-HT cérébrale est fortement diminuée (90 à 95 %).

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